Dans la tête d’un TDAH - Un TDAH dans la vie de tous les jours
Entrevue avec M. Boivin* présentant un TDAH
*Nom fictif afin de préserver l’anonymat de l’interviewé.
- 1ère Partie -
L’acronyme TDAH signifie Trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité. Dans le contexte de cette entrevue, la personne ne présente pas de symptôme d’hyperactivité.
Sandra Guimond : M. Boivin, à quel moment de votre vie vous êtes-vous aperçu que vous aviez un TDAH?
M. Boivin : Quand je pense à mon enfance, je peux vous assurer que j’en ai toujours eu un. J’ai toujours su que j’étais différent des autres à ce niveau, c’est juste que je ne savais pas que cela s’appelait un TDAH.
Sandra Guimond : D’un point de vue personnel, sans inclure l’interaction avec les gens de votre entourage, comme se vit un TDAH ?
M. Boivin : C’est comme si on vous enlevait soudainement un souvenir récent au hasard et qu’il ne vous est pas possible de le récupérer ou que ce souvenir ne vous reviendrait pas avant qu’un événement vous rafraîchisse la mémoire.
Sandra Guimond : Plus concrètement, avez-vous des exemples que vous pourriez partager avec nous?
M. Boivin : Tout plein ! Par exemple, le matin quand j’ai fini de prendre ma douche, je n’arrive pas à me souvenir si je me suis lavé la tête. Dû à cela, je dois me laver la tête probablement plus souvent 2 fois plutôt qu’une.
Quand le téléphone sonne pendant que j’écoute Netflix, je mets l’émission sur pause et vais répondre au téléphone. Quand je reviens dans le salon, suite à l’appel, je ne trouve plus la télécommande. Pourtant je l’avais dans les mains il y a une minute.
Quand je place mon cellulaire sur la recharge, je l’oublie avant de partir au travail.
Sandra Guimond : Oublier la télécommande ou le cellulaire, ne croyez-vous pas que cela peut arriver à tout le monde?
M. Boivin : Bien sûr, sûrement une fois de temps à autre, mais tout le temps ? Non. Les exemples mentionnés plus haut font partie de mon quotidien, c’est la partie facile à vivre, mais il y a plus stressant encore.
Sandra Guimond : Plus stressant?
M. Boivin : Imaginez que vous travaillez dans un édifice de 5-6 étages avec plus ou moins 4000 autres personnes. Vous devez aller au bureau d’un collègue pour parler d’un dossier important. Soudainement, en cours de chemin, vous prenez conscience que vous ne savez pas pourquoi vous êtes rendu 2 étages plus bas. Vous ne vous rappelez plus ni le dossier ni la personne à qui vous vouliez parler. C’est plutôt stressant.
Sandra Guimond : Quand vous vivez cette situation, vous arrive-t-il que vous finissiez par vous rappeler la raison de votre déplacement ?
M. Boivin : Habituellement, je m’en rappelle rendu à mon bureau. Mes yeux vont croiser un dossier qui traîne, un courriel ouvert, etc. Puis, le souvenir me revient clair comme s’il avait toujours été là. C’est un peu comme s’il y aurait un gros délai dans le transfert entre la mémoire à court terme et la mémoire à long terme et que pendant ce délai, le souvenir n’était pas accessible. Peut-être aussi que le souvenir est faible, mais présent et qu’il est difficilement accessible sans l’aide d’un autre souvenir ou d’un autre événement.
Sandra Guimond : Qu’entendez-vous par l’aide d’un autre souvenir ?
M. Boivin : Je ne sais pas si tous les gens sont comme cela, mais mon cerveau n’arrête jamais, je suis constamment en train de réfléchir à quelque chose. Les pensées s’égarent de sujet en sujet et c’est comme si mon cerveau finissait par faire une association qui me rappelait soudainement quelque chose d’oublié.
Sandra Guimond : Par exemple ?
M. Boivin : Dimanche soir dernier, je réfléchissais pendant que j’étais couché. Me questionnant sur mon niveau de fatigue, cela m’a fait penser à mon travail. Penser à mon travail m’a fait penser aux différentes technologies dont je suis le responsable. À ce moment, j’ai réalisé que j’étais sensé mettre des systèmes à jour ce matin et que j’ai complètement oublié de le faire. Donc, j’ai fait un parcours fatigue -> travail-> technologie sous ma responsabilité -> mise à jour des produits à faire -> oups c’était ce matin.
Sandra Guimond : Seriez-vous capable de nous expliquer ce qui se passe dans votre tête en général?
M. Boivin : Comme mentionné précédemment, j’ai l’impression que mon cerveau n’arrête jamais. Je suis toujours en train de réfléchir à quelque chose. Les pensées sont rapides, un sujet amène à un autre et éventuellement, je perds le fils conducteur de ma pensée. Par exemple, lorsque l’on parle d’un sujet, que je fais une parenthèse pour expliquer mon point, je suis tellement concentré sur mon exemple que j’en oublie le point que je voulais apporter ou même le sujet initial.
Autre situation : Quelqu’un me parle et ce qu’il me dit me fait penser à autre chose. Là, mes pensées s’égarent vers le nouveau sujet et après un certain temps, je m’aperçois que je ne suis plus en train d’écouter la personne. Si la personne attend une réaction à ce qu’elle vient de dire, j’essaie rapidement de déduire où elle voulait en venir en fonction des éléments que je me souviens. Là, si la personne semble sûre du point qu’elle amène, je pourrais acquiescer à ce qu’elle dit sans être sûr à quoi j’ai acquiescé! Ou je pourrais donner une réponse qui va inciter la personne à développer un peu plus le point qu’elle amenait, le temps que je retrouve le fil de la conversation. Parfois, humblement, j’indique simplement que j’ai eu une distraction (rire).
Sandra Guimond : Avec l’âge, est-ce que votre TDAH a changé ?
M. Boivin : Oui, je suis plus distrait qu’avant. Je ne sais pas si c’est l’âge, le stress ou la fatigue. Quand on est adulte, il y a tellement de facteurs qui s’ajoutent dans notre vie qui pourraient avoir une influence, cela devient difficile de trouver le coupable. Probablement un mélange de tout?
Suite : Un TDAH à l'école