Juste une dernière game!

Introduction à la dépendance au jeu vidéo

À l’ère du numérique, les jeux vidéo n’ont jamais été autant accessibles. Il y a aujourd’hui un jeu pour tous les goûts et portefeuilles. En moins de quelques secondes, il est maintenant possible de démarrer une partie de Candy crush sur Facebook ou de s’installer devant sa télévision et se connecter sur la même partie de Call of duty que son meilleur ami. Autant ces jeux peuvent être ludiques pour certains, pour d’autres, sauver l’univers ne se fera pas sans en payer le prix dans la vraie vie.

« Je m’appelle Dave et j’ai 21 ans. Je suis en troisième année de sciences humaines au CÉGEP. Ce que je veux faire plus tard? Bonne question… Lorsque je réponds que je souhaite gagner ma vie en réalisant des vidéos sur Youtube ou en devenant testeur de jeux vidéo, la lueur d’intérêt dans le regard de mon interlocuteur s’éteint soudainement. Mes parents semblent avoir tout simplement perdu foi en moi…

Cette pression me rend fou. On dirait que personne ne me comprend. Il y a un seul endroit où j’ai la paix : World of Warcraft. Bien loin des problèmes, j’ai un seul objectif en tête : mener mon clan vers de plus hauts sommets dans le classement mondial. Dans cet univers, rien ne m’arrête. Je crois être un bon leader et je montre l’exemple en mettant du temps, des efforts et de l’énergie pour avoir une plus grande puissance de frappe. D’ailleurs, ça porte fruit : nous sommes maintenant 46e au classement mondial. Quand je joue, j’oublie tous mes problèmes. Il n’y a pas meilleur remède qu’un bon « rush » d’adrénaline à World of Warcraft pour s’évader de cette vie de merde. Ma mère me reproche souvent de m’isoler à travers ce jeu… Je lui réponds alors que je parle à plus de personnes dans ce jeu qu’elle peut le faire dans sa vie! »

Aujourd’hui, internet et les jeux vidéo font partie de la vie quotidienne. En 2013, le Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations (CEFRIO) estimait entre 20 et 28 heures la moyenne du temps passé à naviguer sur Internet par les adultes québécois. Plus accessible que jamais, Internet et les jeux vidéo sont disponibles sur plusieurs plates-formes (téléphone, tablette électronique, télévision, etc.). Malheureusement, l’engouement de certaines personnes pour les technologies peut engendrer diverses conséquences dans leur vie et celle de leurs proches.

Parmi les divers jeux vidéo disponibles, les jeux de rôle en ligne massivement multijoueur (« massively multiplayer online role-playing game : MMORPG ») sont particulièrement préoccupants. Ces jeux permettent à un grand nombre de joueurs de se rejoindre dans un monde virtuel pour interagir et accomplir des actions en simultané. Pour plusieurs, la motivation à jouer c’est le divertissement, pour d’autres c’est le profit, et pour ceux qui restent c’est pour combler des besoins non satisfaits dans leur vie quotidienne (p.ex., amour et affiliation, reconnaissance, sentiment d’être utile à quelque chose) (King, Haagsma, Delfabbro, Gradisar, & Griffiths, 2013; Ko, Yen, Chen, Chen, & Yen, 2005; Smahel et al., 2008). L’un des pièges dans cette forme de jeu, c’est l’occasion pour les joueurs excessifs d’être meilleurs que les joueurs réguliers et occasionnels, en possédant de meilleures habiletés au jeu (équipement, stratégies, règlements). En somme, plus un joueur joue, plus il devient victorieux. Certains joueurs excessifs rapportent même avoir le sentiment que le jeu constitue une partie importante de leur identité (Adams, 2002; McCreery, Schrader, & Krach, 2011; Zhong, 2011).

Les joueurs de jeux vidéo ont également l’opportunité de jouer sur les réseaux sociaux (Barker, 2009). L’expansion de cette industrie a été très rapide (Shin & Shin, 2011). Avec maintenant la possibilité d’y dépenser de l’argent réel (p.ex., pour acheter des outils permettant de faciliter le déroulement du jeu), ces jeux tendent à rapprocher conceptuellement des jeux de hasard et d’argent. À cet égard, Jacques et ses collaborateurs ont étudié 100 jeux très populaires sur Facebook. L’analyse a permis de révéler que le contenu de plus de la moitié des jeux présente des éléments associés aux jeux de hasard et d’argent. Ces jeux peuvent donc présenter des caractéristiques qui visent à faire jouer et rejouer les joueurs. Certains tomberont dans le piège et vivront des conséquences de leur comportement de jeu.

On parle de la cyberdépendance ou de dépendance à Internet lorsqu’il est possible d’observer des conséquences liées à l’usage des technologies (p. ex. Internet, jeux vidéo, jeux sur les réseaux sociaux). Au moment d’écrire ces lignes, la problématique n’est toutefois pas encore reconnue comme un diagnostic psychiatrique. En effet, la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5, American Psychiatric Association, 2013), la bible de la psychiatrie, a classé cette dernière dans la section des diagnostics à l’essai sous le libellé « Internet Gaming Disorder ». Plusieurs difficultés sont généralement liées à la cyberdépendance :

    • Perte de temps

    • Fatigue

    • Problèmes de santé physique

    • Faible estime de soi

    • Socialisation déficiente

    • Difficultés familiales

    • Difficultés à l’école et/ou au travail

    • Difficulté de développement de l’autonomie

    • La perte de contrôle

    • L’envahissement obsessionnel d’Internet

    • Les problèmes de sommeil

Évidemment, il est impossible d’établir un lien de causalité. Il n’est donc pas possible de statuer si les difficultés citées ci-haut constituent des causes ou des conséquences de la cyberdépendance.

Vous être préoccupé(e) par les habitudes de jeu d’un ami ou d’un membre de votre famille?

Aider un proche aux prises avec cette problématique est parfois une démarche complexe. Voici quelques recommandations pour faciliter celle-ci :

  • Prendre le temps de bien choisir le moment où vous aborderez le sujet avec la personne concernée. Choisissez un moment dédié uniquement à la communication.

  • Évitez de lui faire la morale. Évoquez plutôt votre inquiétude et rappelez-lui qu'elle compte pour vous.

  • Prenez le temps d’écouter et de comprendre ses besoins et ses émotions.

  • Exprimez clairement vos attentes (exemple : « Je voudrais que tu consultes parce que… »).

  • Laissez réagir la personne même si votre intervention provoque de la colère.

  • Laissez réfléchir la personne et n’hésitez pas à prendre une pause dans la communication si celle-ci ne s’avère plus efficace.

  • Évitez l’excès de culpabilité. Ne soyez pas trop dur envers vous-même.

  • N’hésitez pas à vous confier à un(e) ami(e) ou à aller chercher de l’aide pour vous-même.

L’une des stratégies les plus efficaces pour traiter les dépendances est assurément de consulter un(e) psychologue spécialisé(e) dans le domaine. Rappelons qu’une problématique de santé mentale non traitée tend à se complexifier et se chroniciser, entraînant alors des impacts familiaux, relationnels et professionnels importants. Pour que le jeu reste un jeu, n’hésitez pas à contacter un professionnel en cas de question ou de doute sur une situation en particulier.

Le présent article s’inscrit dans un projet volontaire de vulgarisation en psychologie clinique. Le but initial est de vous présenter différentes facettes de la santé psychologique par le biais de vignettes cliniques réalistes impliquant des personnages fictifs. Nous espérons que ce projet puisse également lever le voile sur la dimension humaine derrière le diagnostic. Nous écrivons sur des sujets qui peuvent vous toucher, vous inspirer et qui vous informent.

Besoin d’aide psychologique? N'hésitez pas à nous contacter au 418-780-1369 ou vous pouvez utiliser la section "Contactez-nous"

David Lévesque, B.A, doctorant en psychologie clinique

Alexandra Paré-Lambert, D.Psy, psychologue clinicienne

Inspiration :

Gagnon, S., Nadeau, L., Dufour, M. (2014). Tableau clinique des personnes cyberdépendantes demandant des services dans les centres publics de réadaptation en dépendance au Québec : étude exploratoire. Santé mentale au Québec, 39(2), 149-168.

Jacques, C., Fortin-Guichard, D., Bergeron, P.-Y., Boudreault, C., Lévesque, D., & Giroux, I. (2016). Gambling content in Facebook games: A common phenomenom?. Computers in Human Behaviors, 57, 48-53. doi:10.1016/j.chb.2015.12.010

Puerta-Cortés, D. X., Panova, T., Carbonell, X., & Chamarro, A. (2017). How passion and impulsivity influence a player's choice of videogame, intensity of playing and time spent playing. Computers in Human Behavior, 66, 122-128. http://dx.doi.org/10.1016/j.chb.2016.09.029