Déconfinement : « Je me sens mal! Pourquoi ? »

par Sandra Guimond, psychologue et neuropsychologue chez Psycho-Experts

Pour beaucoup, on ne rêve plus que d’une chose : en finir avec le confinement ! Nous avons envie de revoir le monde en dehors de nos quatre murs. Beaucoup de spécialistes en santé mentale sonnent depuis quelque temps l’alarme sur les effets nocifs de l’isolement volontaire qui se poursuivrait trop longtemps. Le moment de sortir au grand jour et de reprendre une vie un peu plus normale arrive à grands pas.

Cependant, malgré un certain soulagement, il est possible de ressentir des émotions contradictoires face au déconfinement imminent. Ce dernier peut avoir des répercussions plus ou moins importantes sur votre équilibre psychologique en fonction de votre environnement et de votre tempérament. Ainsi, le déconfinement n’aura pas le même impact si vous avez vécu en solitaire sans sortir une seule fois de chez vous que si vous avez vécu l’isolement volontaire en famille en sortant une ou deux fois par semaine pour faire les courses. Si vous êtes une personne ayant un tempérament anxieux, il est probable que la fin du confinement génère un sentiment d’incertitude plus important chez vous qui augmentera le stress vécu.

Toutefois, qu’importe notre façon d’avoir vécu le confinement ou notre type de tempérament, trois facteurs psychologiques méritent d’être surveillés lors du déconfinement : le niveau d’anxiété sociale, l’intensité de la peur d’attraper le virus et la désillusion ressentie par rapport à certains liens sociaux.

L’autre : cet être imprévisible

Les mesures de distanciation sociale sont importantes pour diminuer la propagation de la COVID-19. Cependant, elles diminuent les automatismes sociaux qui font en sorte que vous n’avez pas à réfléchir quand vous côtoyez des gens. Auparavant, vous n’aviez pas à vous poser de questions sur le fait de rester à une distance précise des autres. Vous aviez une « bulle », mais vous acceptiez un certain envahissement selon les contextes. Ainsi, lors d’un spectacle populaire du Festival d’été de Québec, la plupart des gens sont capables de supporter d’être les uns sur les autres sans ressentir de malaise psychologique particulier.

Toutefois, avec la pandémie, être près de l’autre peut devenir anxiogène. Respecter les nouvelles règles de vie n’est parfois pas évident. Par exemple, vous êtes à la boulangerie et une personne est près de la sortie, au lieu de vous en aller comme d’habitude sans trop vous poser de questions, vous devez maintenant vous interroger sur la marche à suivre : « La personne est-elle à deux mètres au moins de moi? Dois-je attendre qu’elle bouge de là? Dois-je lui demander poliment de se tasser un peu pour respecter le minimum de distanciation sociale? Va-t-elle bien réagir à ma demande? ». Prises isolément, ces questions apparaissent anodines, mais cumulées tout au long de la journée, elles peuvent devenir lourdes à supporter et prendre beaucoup trop d’espace dans votre esprit. Si le malaise perdure, à moyen terme, il peut créer une anxiété sociale qui amène une difficulté à supporter sereinement le contact avec les autres. Ce n’est pas tout le monde qui va développer ce problème. Cependant, si vous vous rendez compte que vous avez de plus en plus de difficultés à supporter de rencontrer des gens et que vous utilisez plusieurs stratégies d’évitement pour ne pas ressentir un malaise social, il serait bon de demander conseil à un spécialiste de la santé afin de vous aider.

Ai-je la COVID-19 ?

Un autre élément désagréable du déconfinement est d’augmenter la crainte d’attraper la COVID-19. Tant que vous êtes chez vous et que vous côtoyez très peu de personnes, il semble plus facile de s’apaiser, car le risque de contamination est objectivement réduit. Cependant, si vous devez prendre le transport en commun, travailler avec des collègues directement ou rencontrer plusieurs clients par jour, les inquiétudes vont devenir plus intenses. Il est sain et normal de ressentir une certaine peur d’attraper la COVID-19. Ce virus a de multiples facettes et il est difficile de prédire exactement son impact sur les personnes infectées. Certains n’ont peu ou pas de symptômes et d’autres se retrouvent aux soins intensifs. Il est donc difficile de faire des prédictions justes et de s’apaiser.

Toutefois, même s’il est normal de ressentir des craintes, ces dernières ne doivent pas prendre toute la place dans votre esprit et vous empêcher de mener à bien vos activités professionnelles et sociales. Si vous devenez trop attentif à tous les signaux que votre corps vous envoie à chaque instant, votre niveau de stress va augmenter. Cette augmentation peut s’accompagner de l’apparition d’autres malaises psychologiques et physiques. Un cercle vicieux s’installe donc ainsi et crée un terrain fertile à la somatisation qui est définie comme l’apparition ou l’aggravation de troubles physiques par des facteurs psychologiques. Vous avez peut-être déjà vécu le phénomène. Par exemple, vous devez rompre une relation amoureuse et plusieurs jours avant la discussion douloureuse, vous avez mal à la tête, votre dos coince, vous avez mal au cœur et vous n’avez plus d’appétit. Ces symptômes ont toutes les probabilités d’avoir été causés par le malaise psychologique de devoir terminer une relation avec tous les désagréments qui accompagnent ce genre de situation habituellement.

Donc, avoir certaines craintes d’être infectées par la COVID-19 est tout à fait normal, mais il faut veiller à éviter de devenir trop envahi par ses peurs pour ne pas enclencher un phénomène désagréable de somatisation. Quelques conseils vous seront donnés un peu plus loin afin de vous aider sur ce plan.

Désillusions sociales…

Durant les mesures de confinement, vous avez pu vous montrer présent et à l’écoute pour vos proches et ces derniers ont pu faire de même pour vous. Vous vous sentiez heureux d’avoir un réseau social si soutenant et cette constatation vous faisait du bien et vous rassurait. Votre « filet de sécurité » social vous a donc apparu réellement efficace et protecteur.

Cependant, il est aussi possible d’avoir été déçu par les réactions ou l’absence de support de la part de membres de votre famille, d’amis, de collègues ou de patrons. Nous avons tous une certaine idée des gens sur qui il est possible de compter en cas de problème. Toutefois, la pandémie actuelle a pu vous amener à réviser votre opinion sur certains membres de votre réseau social. Vous auriez parié que telle personne prendrait une balle à votre place s’il le fallait, mais elle a été aux abonnés absents durant une bonne partie du confinement? Peu de gens vous appelaient spontanément, même si vous étiez proactif pour prendre de leurs nouvelles d’une manière régulière? Vous aviez des difficultés émotionnelles, relationnelles et financières, mais vous aviez l’impression que personne ne semblait intéressé à vous écouter? Ces constatations ont pu générer une impression d’abandon, d’iniquité et, même parfois, de trahison. Il est souvent ardu d’aborder directement son inconfort avec un proche. Pendant le confinement, il est plus facile de remettre à plus tard la gestion de cette déception. Cependant, avec le retour graduel à la normale, vous n’aurez pas le choix de côtoyer à nouveau les gens qui vous ont déçu. Comment gérer le malaise vécu? Éviter de crever l’abcès ne fait qu’augmenter le ressentiment et l’anxiété. Il n’existe pas de solution facile à la situation, mais quelques stratégies permettent d’aborder le problème d’une manière empathique et constructive.

Petit cours d’autodéfense face à vos craintes

1. Pour les symptômes d’anxiété sociale, il est habituellement conseiller d’éviter d’éviter 😉 la situation qui vous fait peur. L’évitement amène votre cerveau à augmenter et à consolider les peurs au lieu de produire un certain soulagement. La raison de ce phénomène est que votre cortex est très habile à émettre une panoplie de scénarios et que sans confrontation avec la réalité, il peut s’emballer et créer une vision vraiment catastrophique du monde qui vous entoure.

Pour ne pas tomber dans le piège de l’évitement, il est nécessaire de s’exposer d’une manière graduelle et gagnante à la situation que l’on craint. Par exemple, vous pouvez commencer votre exposition en sortant seul faire une course de 10 minutes à l’épicerie. Vous devez prendre votre pouls émotionnel avant, pendant et après votre activité. Quelles sont les sensations physiques, les émotions et les pensées qui sont présentes lors de ces trois moments? Quelles sont les perceptions que vous avez qui nourrit votre anxiété? Par exemple, avez-vous peur qu’un étranger vous crie après ou que des gens ne respectent vraiment pas la nouvelle « bulle sociale » de 2 mètres? La confrontation avec la réalité va mettre à l’épreuve ces craintes et vous permettre de constater que leur probabilité d’apparition est certainement nettement plus faible que ce que vous aviez évalué avant votre exposition. Un discours interne rassurant peut aussi vous aider à surmonter vos peurs. Lorsque vous sentez que votre anxiété a diminué, vous pouvez augmenter graduellement vos prochains défis afin de redevenir plus à l’aise en contexte social.

2. La COVID-19 est un virus anxiogène. Personne n’a envie de l’attraper. Cependant, votre vie peut devenir un enfer si vous prenez une grande partie de votre temps libre à focaliser sur tous les signaux corporels qui pourraient indiquer que vous avez contracté la maladie.

Une façon de ne pas développer une nette tendance à la somatisation est de s’informer auprès de sources en qui vous pouvez avoir confiance : médias renommés et communiqués gouvernementaux, par exemple. La meilleure manière de stresser est de consulter les informations qui circulent sans prendre la peine d’évaluer la crédibilité de la source. Vous pouvez aussi pratiquer la cohérence cardiaque (https://www.youtube.com/watch?v=dGJkzyKHKUE) qui est une façon rapide d’obtenir un soulagement temporaire des symptômes physiques de l’anxiété. Ensuite, il est nécessaire de remettre la situation en perspective. La grande majorité des gens ayant contracté la COVID-19 guérit et reprend leur vie sans séquelles. Il est donc suggéré de mettre l’accent sur ce scénario plus probable afin de se calmer. Vous pouvez vous dire qu’il est possible d’attraper le coronavirus, mais que les chances d’en mourir demeurent nettement plus faibles que d’y survivre. En se répétant ce discours, beaucoup de gens réussissent à se réassurer avec le temps.

3. Concernant les déceptions sociales, la première stratégie est de tenter de voir la situation à partir de plusieurs perspectives possibles. Habituellement, l’esprit humain a une tendance naturelle à concevoir la réalité selon une seule perspective. En fonction de vos filtres de base, votre première impression d’une situation peut tendre plus vers le négatif que le positif. Par exemple, un patron propose de nouvelles tâches à ses employés. Certaines personnes peuvent voir cette demande comme un défi stimulant, tandis que d’autres sont complètement renversés par ce manque de respect de la hiérarchie. Une même situation, mais une analyse complètement différente!

Si vous avez été déçu par un de vos proches, il faut donc évaluer dans un premier temps s’il existe des visions alternatives pour expliquer la situation. Est-ce que mon ami n’a vraiment pas été à l’écoute? Combien de fois m’a-t-il appelé? A-t-il perdu son emploi ou sa relation amoureuse est-elle en péril? Est-ce que j’ai été assez clair dans mon besoin d’aide? Ces questions vont vous permettre de remettre en perspective votre vision. Elles pourront vous aider à faire preuve d’une compréhension plus nuancée de la situation qui prend en considération votre vécu et celui de votre proche. Habituellement, un tel exercice permet de diminuer l’impression d’abandon et de manque de respect ressentie. Si ce n’est pas le cas, il vous reste l’option de discuter calmement de vos perceptions avec votre proche en choisissant un moment approprié, en utilisant le « Je », en expliquant les émotions ressenties et en demandant comment l’autre a perçu la situation. Vous terminez en proposant une solution au problème et en demandant son avis à l’autre.

Pour conclure, les différentes stratégies proposées peuvent vous aider à trouver un certain apaisement. Cependant, si vous vous rendez compte qu’elles ne sont pas suffisantes et que votre malaise émotionnel devient de plus en plus important, n’hésitez pas à demander l’aide d’un psychologue ou de tout autre professionnel en santé mentale. Prendre soin de soi en ces temps difficiles, c’est vraiment important !

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Fais ça court (pour les gens pressés 😊) !

Plusieurs personnes éprouvent un malaise face aux mesures de déconfinement. Trois variables psychologiques peuvent être problématiques : des symptômes d’anxiété sociale, une tendance à la somatisation et une désillusion par rapport à certains liens sociaux. Pour s’apaiser, il est conseillé de s’exposer graduellement sur le plan social, de mettre l’accent sur la forte probabilité de survivre à la COVID-19 et de développer des expectatives plus réalistes et nuancées par rapport à votre réseau social.

Le coin des curieux !

Ladouceur, R., Bélanger. L. et Léger, E. (2010). Arrêtez de vous faire du souci pour tout et pour rien. Paris : Odile Jacob.

Marek, M.J. et coll. (2020). Elucidating somatization in a dimensional model of psychopathology across medical settings. Journal of Abnormal Psychology. Vol. 129 (2), 162–176.

Young, J. et Klosko, J.S. (2017). Je réinvente ma vie. Montréal : Les éditions de l’homme.