L’ANOREXIE : les différents stades d’évolution de la maladie et le rôle des conseillers d’orientation - Deuxième partie
3. Les effets secondaires visibles de l’anorexie
Plusieurs effets secondaires à l’anorexie peuvent survenir outre la perte de poids significative : les conflits familiaux qui surgissent principalement à l’heure des repas; une perte d’énergie; l’isolement face aux pairs; une humeur changeante; des idéations suicidaires; de l’automutilation; une mise en danger sur le plan physique pouvant aller jusqu’à la mort, etc. (Wilkins, 2011; Chabrol, 2004). Mais l’effet le plus étonnant est le refus de se faire soigner. Ce sera l’entourage de la jeune anorexique qui finira par appeler les médecins, afin de s’informer au sujet des choix d’intervention qui s’offrent à cette jeune en souffrance qui se dit en santé. En arriver à traiter une jeune anorexique est un défi complexe, laborieux et long dans le temps (Wilkins, 2011).
4. Les quatre phases de la maladie
Phase 1
L’évolution de la maladie se déroule principalement en quatre phases, dont l’issue mène généralement à une prise de conscience (Vanderlinden, 2006; Wilkins, 2011; Chabrol, 2004). Durant la première phase qui dure de 3 à 6 mois, l’autorestriction alimentaire commence et les premiers symptômes de la maladie apparaissent, dont l’aménorrhée (l’arrêt des menstruations) et la chute pondérale (Santé publique Canada, 2002; Wilkins, 2011; Chabrol, 2004). À ce moment, la jeune anorexique éprouve un sentiment de bienêtre, de fierté, de puissance, d’effervescence, d’enthousiasme ou de contentement qui proviennent, d’une part, de l’impression d’être enfin en contrôle de son existence et, d’autre part, de la réaction de son corps par rapport à la sensation de faim (Wilkins, 2011; Chabrol, 2004). À ce moment, la jeune conteste les inquiétudes de son entourage et nie sa maladie. La fin de la première phase coïncide, la plupart du temps, avec le premier rendez-vous médical que la jeune aura été forcée d’accepter sous la pression de son entourage (Wilkins, 2011).
Phase 2
La deuxième phase de la maladie peut durer des semaines, des mois et même des années. La jeune anorexique a atteint son poids minimal et, malgré les interventions du médecin, elle persiste à contrôler son alimentation. L’hospitalisation est alors souvent nécessaire et la jeune accepte généralement de se rendre dans un centre hospitalier afin d’éviter le pire – car elle ne souhaite pas mourir. À ce moment, un suivi en psychologie est mal reçu par la jeune qui demeure avec l’impression de ne pas avoir de problème autrement que des maux physiques (pouls lent, fatigue) (Wilkins 2011; Chabrol, 2004). Souvent, seuls le médecin et l’infirmière arrivent à entretenir un lien avec elle, par des échanges traitant de thèmes superficiels, en évitant toute forme de confrontation. Quant à ses entretiens avec la nutritionniste, ils ne lui servent qu’à acquérir encore plus de contrôle sur son alimentation. Ses comportements se maintiendront jusqu’au jour où elle se mettra en colère : elle s’affirme enfin. C’est un premier pas vers la guérison, car elle tente à présent de contrôler ce qui se passe en elle autrement que par la restriction alimentaire. L’effet sera l’augmentation graduelle de ses apports alimentaires (Wilkins, 2011).
Phase 3
La reprise de poids, qui se fait bien malgré elle, annonce l’arrivée de la troisième phase de la maladie. Sans que les recherches puissent en expliquer les causes réelles, cette reprise de poids bouleverse la jeune fille qui perd le contrôle de son corps (Wilkins, 2011). S’effondre alors l’identité qu’elle s’était bâtie, « l’identité anorexique », ce qui suscite un sentiment parfois de gêne, parfois de honte. Ne sachant plus à présent comment se définir, une souffrance immense et inexplicable s’installe. À ce moment, un suivi en counseling et orientation peut s’avérer très pertinent, dans le but de soutenir la jeune dans sa souffrance. Cette dernière se montre d’ailleurs plus ouverte à ce type de soin (Wilkins, 2011; Chabrol, 2004). Quant à l’intervenant, son rôle est d’accueillir la jeune patiente dans sa détresse psychologique — détresse que l’entourage, souvent trop heureux de voir enfin la jeune reprendre du poids, est difficilement capable de percevoir. Selon Wilkins (2011), trois comportements peuvent alors être observés chez l’anorexique : l’acceptation de la reprise pondérale et de l’apparition des formes de femme qui réapparaissent, la résistance aux changements accompagnée d’une « lutte inutile contre la reprise de poids » (p.103); et la résistance aux changements par la prise de laxatifs ou par le recours aux vomissements. Des comportements autodestructeurs ou des idéations suicidaires peuvent survenir durant cette période douloureuse.
Phase 4
La dernière phase de l’anorexie indique généralement la fin de la maladie et son arrivée coïncide souvent avec le début de l’âge adulte (Wilkins 2011; Chabrol, 2004). Ce stade développemental sera marqué, d’une part, par la prise de décisions vocationnelles qui s’avèrent difficiles pour les anorexiques. En effet, leur faible connaissance de soi et leur identité diffuse ne les disposent pas à faire des choix en fonction de leurs forces, de leurs faiblesses, de leurs qualités et de leurs habiletés. Devant ce vide identitaire, les anorexiques ont tendance à faire des choix de carrière qui, au final, sont basés sur ce qu’elles perçoivent comme étant valorisés par leur entourage et où la rigueur et la nécessité de performer seront mises de l’avant (Chabrol, 2004). Un suivi en counseling et orientation peut donc leur être aidant. D’autre part, à l’âge de 18 ans, le transfert de la jeune fille vers des ressources médicales adultes peut susciter de l’anxiété et être vécu comme un deuil. Cette transition peut être facilitée par un accompagnement en counseling (Chabrol, 2004).