Le TDAH : prendre conscience des biais évaluatifs pour de meilleures pratiques cliniques - Deuxième partie
3. Y-a-t-il un problème diagnostic avec le TDAH ?
Les critères diagnostics du TDAH semblent bien opérationnalisés et standardisés dans l’ensemble. De plus, pour le DSM-IV TR (2000) et pour plusieurs auteurs (Barkley, 2006 et Stefanatos et Baron, 2007), l’étiologie principale du TDAH est neurobiologique. Ces deux facteurs devraient faire en sorte que la prévalence du trouble soit sensiblement la même à travers les pays occidentaux. Les mêmes critères diagnostics sont proposés en Occident et il n’existerait pas de preuve actuellement que les habitants d’un pays X présentent nettement plus d’atteintes neurobiologiques que les habitants d’un pays Y.
Pourtant, les méta-analyses de Skounti et coll. (2007) et de Nigg et coll. (2010) suggèrent une grande variabilité de la prévalence du TDAH en Occident. Cette dernière fluctue de 2% à 17% selon les pays ou les régions étudiés. Une étude de Rappley et coll. (1995) a même rapporté un taux de variation par un facteur de 10 pour les différents comtés d’un même état aux États-Unis. La méta-analyse de Skounti et coll. rapporte aussi une grande variation du ratio « garçon : fille » du TDAH. Traditionnellement, il y aurait plus de garçons que de filles souffrant de trouble attentionnel. Cependant, le ratio varie énormément d’un pays ou d’une région à l’autre, passant de 3 garçons diagnostiqués pour 2 filles à 9 garçons diagnostiqués pour une fille. Il semble donc y avoir une grande variabilité du nombre de diagnostic selon l’endroit où une personne habite ou son genre.
La prévalence n’est pas le seul problème survenant sur le plan épidémiologique. L’incidence du TDAH a aussi grimpé d’une manière très importante au cours des dernières années. Par exemple, une étude de Lloyd et coll. (2006) indique que le taux de TDAH a augmenté de 700% en Angleterre et de 900% aux États-Unis au cours des 10 dernières années.
On est donc en droit de se poser quelques questions. Comment expliquer la grande fluctuation de la prévalence et l’augmentation phénoménale de l’incidence du TDAH? Quelles sont les causes sous-jacentes à ces phénomènes?
Des études de type rétrospectif nous permettent de proposer quelques réponses ancrées dans les faits. Par exemple, l’étude de Van Praag (1996), en Grande-Bretagne, obtenait des conclusions où environ 40% de l’échantillon d’enfants “TDAH” ne conservait pas leur diagnostic à la suite d’une évaluation combinant une entrevue, des tests neuropsychologiques et des échelles comportementales. Ils présentaient tous une problématique (problèmes d’apprentissage ou émotionnels), mais plusieurs avaient reçu le diagnostic de TDAH a tort.
La recherche de Van Praag (1996) suggère donc que le dépistage de difficultés psychologiques ou cognitives s’effectue quand même bien. Si une personne éprouve un problème, les intervenants en santé semblent capables de détecter un malaise chez elle. Malheureusement, il semble que l’étiquette TDAH soit trop souvent utilisée à tort afin d’expliquer la problématique vécue par un enfant.
Il semble donc y avoir un problème sur le plan du diagnostic différentiel du TDAH. Je vais discuter dans la prochaine section les causes possibles de ce phénomène. Plus précisément, quels sont les biais à l’oeuvre lors de l’évaluation diagnostique du TDAH?